Ouragans Tropicaux -- Personas decentes de Leonardo PADURA

dimanche 14 janv 2024

Personas decentes de Leonardo PADURA
Tusquets Editores 2022

Dernier roman du célèbre auteur cubain, et non des moindres, on y retrouve :

Une construction encore plus complexe que dans les ouvrages précédents, à savoir la narration en parallèle de 2 histoires policières différentes avec des temporalités différentes, où vient se greffer la mise en abyme d’une histoire à l’intérieur de l’autre, c’est-à-dire :

1)      L’histoire, racontée à la première personne, d’un policier de La Havane, Arturo Saborit, «  personne décente », devenu en 1909 ami du roi de la prostitution Alberto Yarini, assassiné en 1910. Cuba est en 1900 une capitale du vice et de la corruption. Ce policier enquête sur l’assassinat de Margarita, une des prostituées appartenant à Yarini (à noter au passage que les prostituées sont considérées comme des objets personnels rapportant de l’argent aux réseaux  institués de proxénétisme, la prostitution étant une « industrie nationale »)

 2)      L’histoire contemporaine de Mario Conde, le policier fétiche de l’auteur, qui enquête sur l’assassinat barbare de Marcel Robaino, gendre de Reynaldo Quevedo, lui aussi assassiné. Ledit Quevedo fut dans les années 1970, un fonctionnaire influent du régime castriste, persécuteur de nombreux artistes et écrivains, comme le célèbre José Lezama Lima, jugés subversifs, et promoteur en même temps d’artistes serviles et médiocres, ceci au nom de la pureté idéologique. Quevedo vivait dans un somptueux appartement de la capitale, offert par le régime en récompense de ses bons services. Il s’enrichissait de la vente des tableaux extorqués aux artistes qu’il avait persécutés, œuvres devenues d’une valeur inestimable et revendues à Miami.

 3)      Mise en abyme de Mario Conde en train d’écrire l’histoire d’Arturo Saborit, le policier ami de Yarini.

 La critique du régime cubain passé et contemporain,  ainsi que  de la société corrompue qui le soutient, est ici plus virulente et plus ouverte que dans les romans précédents. Le narrateur rappelle la férocité du régime castriste des années 70, la dictature idéologique qui régnait alors et qui « creusa un trou profond dans la culture du pays avec ses nettoyages idéologiques ». L’évolution de ce régime, qui aujourd’hui reçoit Obama et les Beatles, n’est qu’un leurre selon Mario Conde : la corruption des dirigeants est plus scandaleuse que jamais, les riches mènent une « dulce vida » dans un pays où le peule est misérable. Mario Conde découvre des lieux fréquentés par la caste des riches, où « un café express coûte plus que le salaire journalier d’un médecin », et se demande « d’où ces gens-là soutirent leur argent ». Ainsi le marché occulte de l’art contemporain brasse des sommes fabuleuses, un tableau peut se vendre 198 millions de dollars.

Une ironie omniprésente qui évoque les « personnes décentes ». Une constatation amère et désabusée de l’échec de « l’homme nouveau » qui devait naître sous le régime castriste, homme dont la cruauté et la corruption relèvent de l’ancien monde capitaliste.

Nous nous sommes demandé pourquoi le livre de Padura n’a pas été officiellement censuré, peut-être la notoriété internationale de l’auteur gêne-t-elle le pouvoir en place ?

 Christiane Roumégous

publié le dimanche 14 janv 2024

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